La vanille – Madagascar



Nous avons eu l’opportunité de vivre pendant un semaine dans le petit village de Saharandrano (lire l’article sur notre expérience dans ce village), dans la région de la SAVA. Nous avons été accueillis par Mi Hen, un producteur de vanille adorable et toute sa famille. Durant ces quelques jours, il a entrepris de nous montrer et nous expliquer avec passion tout le processus pour passer du plant de vanille à la gousse noire si odorante que l’on connait bien.

Il faut avant tout savoir que la gousse de vanille est le fruit d’une orchidée grimpante, et qu’il existe trois variétés principalement cultivées :

        •   La vanille planifolia : la plus connue à Madagascar et qui est celle qui a le plus haut
            taux de vanilline parmi les 3 variétés.

        •   La vanille tahitensis : principalement cultivée en Polynésie Française.

        •   La vanille pompona : peu connue et peu utilisée. La gousse est plus grande et plus
            large que les autres variétés et elle a également une odeur plus gourmande, avec des
            notes de réglisse et de caramel.


Culture de la vanille



La culture de la vanille est un travail très dur et complexe, qui s’étale sur toute l’année. Chaque étape est importante, de la plantation à la préparation des gousses.


Étape 1 : plantation des plants de vanille



La plantation des plants de vanille se fait en décembre, durant la période de fortes pluies.

Une liane provenant d’un plant de vanille en bonne santé est plantée en terre contre un tuteur. La vanille est une plante montante, elle va donc grimper sur celui-ci et s’enrouler autour. Ce tuteur est un arbre soit déjà présent soit planté spécialement pour jouer ce rôle de soutien, généralement un zatrofa.

La plante se nourrit à l’aide de sa racine principale qui va partir de la liane en direction du sol et se ramifier à la surface de la terre. C’est la raison pour laquelle il faut être prudent lorsque l’on remue la terre proche de la liane, car il y a un risque de couper cette racine principale. Quand cette dernière meurt, la plante en envoie automatiquement une autre. Ainsi, durant une année, environ trois racines principales sont produites. L’herbe au niveau du sol est nécessaire car elle permet de protéger la racine du soleil. Les racines secondaires quant à elles permettent au plant de vanille de s’accrocher au tuteur et également de nourrir la plante grâce à de fins petits poils en récupérant l’humidité du tuteur.

Il faut entre 3 et 4 ans avant que le plant de vanille puisse être cultivé pour ses gousses. En effet, à partir de la troisième année la floraison débute et s’intensifie jusqu’à la cinquième année, où elle se stabilise. Les plants sont renouvelés tous les 6 ans, et jusqu’à 10 ans si le sol est de bonne qualité.


Étape 2 : Pollinisation de la fleur


   


L’étape de la pollinisation a lieu entre septembre et novembre. C’est un processus qui se fait à la main, fleur par fleur. La floraison est contrôlée quotidiennement car une fois la fleur éclose, il faut la polliniser le jour même. De ce fait, un travail conséquent de contrôle et d’anticipation est effectué par les femmes chaque jour, au lever du soleil.




Pour polliniser la fleur, on l’ouvre à l’aide d’une aiguille pour y découvrir les organes mâle et femelle séparés par une fine membrane. Le but est de croiser ces deux organes afin que la pollinisation ait lieu. Pour se faire, la fine membrane est soulevée vers le haut, pour permettre de mettre en contact les deux parties en pressant avec le pouce. Cette technique requiert un certain savoir-faire car il faut appuyer suffisamment fort pour ne pas que les deux parties se décollent, mais à l’inverse une trop forte pression pourrait empêcher la pollinisation.


Étape 3 : Entretien des plants et désherbage

L’entretien quotidien des plants a lieu entre mi-novembre et début juin, jusqu’à la récolte des gousses.

En effet, il est important d’enlever toutes les parties mortes de la plante et les mauvaises herbes sans quoi cela peut entraîner des maladies et pomper les nutriments au détriment de la vanille. Il faut également rediriger les lianes car la vanille est une plante grimpante qui peut monter très haut, ce qui peut rendre par la suite difficile la pollinisation des fleurs ainsi que la récolte des gousses.


Étape 4 : Le développement de la gousse

La taille de la gousse dépend de la vie de la liane : si cette dernière a du mal à nourrir ses gousses, elles seront alors trop petites. Aussi, s’il y a trop de gousses sur une grappe cela fatiguera le plant au même titre que les mauvaises herbes autour de lui. C’est pourquoi l’étape de désherbage est si importante et c’est la raison pour laquelle ne sont laissées sur les grappes qu’en moyenne 6 à 8 gousses. Si au niveau des grappes il y a trop de gousses, certaines sont retirées pour permettre aux gousses restantes de bien se développer et atteindre une bonne taille.


Étape 5 : La récolte de la gousse


La récolte de la gousse de vanille se fait normalement au bout de 9 mois, lorsqu’elle est mature et qu’elle devient alors verte claire. Passés 9 mois, elle devient trop mature et se fend par le bas, zone où elle prend sa maturité.

Pour obtenir une bonne qualité de vanille, il est donc très important de respecter la maturité de la gousse.

Si la gousse est récoltée trop tôt, elle ne contiendra pas beaucoup de vanilline et le risque de fermentation et de moisissure augmentera. Une qualité correcte de vanille contient à partir de 1.5% de vanilline et peut aller jusqu’à 2.5% pour une vanille de très bonne qualité.

La fleuraison se faisant en trois vagues principales, la récolte des gousses sera donc réalisée en trois temps : la première se fait mi-juin, puis 15 jours après et pour finir à la fin du mois d’août. Il est même parfois possible de récolter une 4e fois.


Étape 6 : Présentation au marché officiel

L’état malgache a organisé ce que l’on appelle le marché officiel de la vanille. Il permet d’éviter la récolte des gousses de vanille trop jeunes et impose trois récoltes par an. Sont présentées au marché les gousses vertes, récemment récoltées. Pour qu’elles soient acceptées au marché, il faut qu’elles mesurent au minimum 12 cm. En moyenne, elles mesurent 14 à 18 cm et peuvent aller jusqu’à 22 cm. Aussi, de nombreuses gousses sont poinçonnées avec les initiales du producteur deux mois avant la récolte, afin d’éviter les risques de vol.

Durant le marché officiel, un débat de 3 à 4 jours à lieu entre le producteur et l’acheteur. Ce délai passé, le groupement du marché mettra fin aux négociations et le prix final sera le dernier proposé par l’acheteur.


La préparation des gousses de vanille



Plusieurs étapes sont nécessaires pour passer de la gousse verte récoltée sur le plant à la gousse noire emblématique de Madagascar. Il faut également savoir que pour 5 tonnes de vanilles vertes récoltées, le producteur obtiendra 1 tonne de vanilles noires sèches préparées.


Étape 1 : L’échaudage

Les gousses vertes récoltées sont triées. Certaines sont prêtes à être échaudées et d’autres doivent d’abord patienter quelques jours de côté. Cela dépend de leur maturité, déterminée par leur couleur (plus la gousse est jaunâtre plus elle est mature). L’étape d’échaudage consiste à tremper dans l’eau chaude les gousses de vanille jusqu’à ce que la température de l’eau atteigne 60°C en moyenne. Elles sont laissées à cette température environ 3 minutes. Cette étape de quelques minutes entame le noircissement de la gousse.


Étape 2 : La mise à l’étuve

Une fois échaudées, les gousses sont immédiatement placées dans des caissons bien enveloppés dans de nombreuses couvertures. L’intérêt est de maintenir la vapeur au niveau des gousses. Ces dernières sont laissées à l’étuve durant 48 à 72 heures puis placées au soleil, toujours enveloppées dans les couvertures avant d’être de nouveau remises à l’étuve. Cette opération est répétée pendant une vingtaine de jours.


Étape 3 : Le séchage à l’ombre et au soleil


         


Les gousses sont séchées au soleil quelques heures par jour. Cette étape est délicate car il faut suffisamment les sécher pour permettre à l’humidité de s’évacuer. Cependant si ce séchage est trop violent (trop longtemps au soleil), la gousse peut durcir en superficie et donc empêcher cette humidité de sortir, ce qui provoquera par la suite des moisissures. Cela peut aussi entrainer le phénomène inverse et assécher totalement la gousse, faisant ainsi chuter le rendement. L’étape de séchage nécessite donc un grand savoir-faire pour juger de façon exacte le temps de séchage que chaque gousse nécessite.



       


Chaque nuit, elles sont rentrées à l’intérieur et enveloppées dans des couvertures afin de conserver la chaleur. Elles sont ensuite triées et étalées sur de grandes étagères appelées claies, en fonction de leur taux d’humidité. Cette humidité est détectée olfactivement par une faible note de moisissure, et à la main par un côté légèrement collant et humide. Elles sont ainsi triées en 5 stades d’humidité : les grosses, les demies-grosses, les demies-sèches, les avant-sèches et les sèches. Ces dernières sont ficelées avec du raphia et rangées dans des malles enveloppées dans du papier paraffiné. Les autres retournent sur les étagères en gardant leur classement par état. Il faudra par exemple environ 4 à 5 jours aux grosses gousses pour être considérées comme sèches. Ainsi, chaque jour les gousses les plus sèches sont de nouveau triées et toutes les autres sont analysées et reclassées si nécessaire.


Étape 4 : Le tri des gousses



Une fois correctement séchées, les gousses sont triées à la main en fonction de leur longueur, leur couleur ou encore de leur qualité. Comme vu précédemment, la taille de la gousse varie en moyenne entre 14 et 18cm. Également, on retrouve plusieurs types de couleurs pour une gousse de vanille :

•   La vanille noire : même couleur noire de haut en bas, sans défauts

•   La vanille rouge : fibres marron rouges présents sur la gousse. Cette couleur est synonyme d’une gousse non mature, ou bien provenant d’un plant malade ou fatigué.


Enfin, plusieurs facteurs entrent en jeu dans la qualité d’une gousse. En effet, certaines vont être fendues, leurs têtes cassées, poquées, malades… on retrouve plusieurs maladies possibles comme la moisissure, l’apparition de phénols ou encore les mites. À chaque maladie est adaptée la méthode pour traiter les gousses. Si une gousse a de la moisissure, on la sèche au soleil une demie journée supplémentaire, quitte à perdre légèrement de rendement. Si elle est mitée, il est possible d’effectuer à nouveau l’étape d’échaudage, pour tuer les mites. En revanche, l’apparition de phénols dans la gousse est très difficile à traiter, l’odeur restera peu importe le traitement. Ce phénomène est principalement dû à une gousse de vanille immature. En effet de nombreux producteurs récoltent la vanille 1 à 3 mois plus tôt afin d’éviter tout vol, puis les laissent maturer chez eux à l’ombre avant de les présenter au marché officiel de la vanille. Cette récolte prématurée entraîne alors des maladies.

L’étape de tri est très importante, il est primordial de ne pas mélanger une gousse malade avec des gousses saines au risque de toutes les contaminer.


Étape 5 : Le stockage en caisson

Après avoir été triées, les gousses sont entreposées plusieurs mois dans des caissons en bois et enveloppées de parafilm. Ce stockage permet de parfaitement conserver la gousse, sa texture ainsi que son odeur. Certaines peuvent également être stockées sous vide. De ce fait, tout le processus de développement des odeurs mais aussi des maladies va être stoppé. Cette méthode est cependant interdite depuis plusieurs années pour l’exportation des gousses.



Lorsque la gousse de vanille est de très bonne qualité (récoltée à maturité, parfaitement préparée et stockée en caisson suffisamment longtemps) des cristaux de vanilline apparaissent à la surface de la gousse. Il y a quelques années, il était courant de voir ces cristaux apparaitre après plusieurs mois sur les gousses de vanille. De nos jours, l’insécurité due aux vols et le flux tendu du marché rendent ce phénomène de plus en plus rare.


La vente des gousses de vanille


La vanille passe par un conditionneur-stockeur, avant d’être livrée chez les clients des différentes industries agro-alimentaires et de la parfumerie. Les gousses vont être de nouveau triées, classées et s’il le faut séchées au soleil sur les claies. Elles seront ensuite stockées dans les caissons en bois plusieurs mois pour garantir leur qualité, avant d’être expédiées.

Il y a différentes qualités vendues aux acheteurs dépendant de l’utilisation qu’ils souhaitent en faire. Ces qualités sont principalement basées sur le taux d’humidité. On retrouve :

•   La qualité gourmet : TK & noire non fendue (taux d’humidité supérieur à 32% et minimum 15 cm de longueur) destinée à la consommation alimentaire (pâtissiers et consommateurs).

•   La rouge non fendue Europe A et rouge fendue Europe A (taux d’humidité vers 23-25%)

•   La rouge non fendue Europe B et rouge fendue Europe B (taux d’humidité plus faible que la qualité Europe A)

•   La rouge US (taux d’humidité vers 20-22%)

•   Les cuts (taux d’humidité vers 15-19%)

Les gousses au faible taux d’humidité sont utilisées pour l’extraction destinée à la parfumerie et à l’alimentaire, soit toutes sauf la qualité gourmet. Il n’y a aucune perte, toutes les gousses sont vendues même les malades, moisies, trop sèches etc. Cela dépendra seulement de l’utilisation que voudra en faire le client. Même les grains de vanille (grains récoltés après l’échaudage), qui n’ont pas un grand intérêt olfactif, sont vendus.


Les limites de cet or noir

La vanille, étant l’épice la plus chère vendue à Madagascar, est devenue un business dont la mafia s’est emparée. De nombreux bandits pillent les récoltes de vanille, tant les gousses vertes que celles en préparation. Pour s’en prémunir, les paysans ayant le plus de ressources payent des gardiens armés pour surveiller leurs champs. Pour les autres, ils dorment dans leurs champs 9 mois de l’année pour protéger leur plantation au péril de leur vie, les bandits n’hésitant pas à tuer les paysans pour récupérer cet or noir. Ce problème d’insécurité amène donc de nombreux paysans à récolter les gousses 1 à 3 mois avant leur stade de maturité, entraînant ainsi de nombreux problèmes : taux de vanilline trop faible, risque de moisissure élevée, petite taille…

De plus, il est rare de trouver des producteurs possédant un compte en banque. Ainsi, lorsqu’ils rencontrent un problème (santé, fiscal, scolarisation, etc.) ils peuvent être amenés à demander une avance à leur patron. Cela les fragilise énormément, le patron imposant son prix et demandant en général le remboursement du double de l’argent prêté en gousses de vanille.

Enfin, le marché de la vanille étant très tendu, cela entraîne une très forte demande dès fin octobre. Les exportateurs sont donc souvent contraints de fournir des gousses qui ne sont pas totalement préparées afin de répondre à cette forte demande. Les gousses qui idéalement devraient reposer 9 mois dans des malles sont parfois envoyées après 3 mois seulement. Or c’est durant ces mois où elles sont stockées en caisson que les arômes se développent et que la vanille acquiert toute sa richesse et sa complexité olfactive.


Description olfactive d’une gousse noire Gourmet

Minéral pierre chaude, olive noire, vanilline, épicé, eugenol, caramélisé, bois de chêne, fruit sec (raisin, figue et abricot secs), effet fer chaud de l’Habanolide, amandé, liquoreux, animal.


7 thoughts on “La vanille – Madagascar

  1. Votre article est passionnant et très pédagogique. Ça me rappelle ma visite sur l’île de Taha en Polynésie où j’avais pu sentir ces odeurs de vanille.

    1. Merci beaucoup ! Nous allons nous rendre en Polynésie, nous espérons pouvoir passer par Tahaa pour y sentir sa vanille et la comparer à celle de Madagascar!

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